from Arno Tausch, Warsaw
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> From: Le Monde diplomatique <info-diplo@london.monde-diplomatique.fr>
> To: info-diplo <info-diplo@london.monde-diplomatique.fr>
> Subject: << Pacification >> politico-militaire au Chiapas
> Date: Dienstag, 21. April 1998 18:30
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> _________________________________________________________________
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> UN CLASSIQUE CENTRAMÉRICAIN
>
> « Pacification » politico-militaire
> au Chiapas
>
> (21 avril 1998)
>
>
> http://www.monde-diplomatique.fr/md/dossiers/chiapas/
>
> Imputer de prime abord le meurtre de 45 habitants du village
> d'Actéal, dans le Chiapas, le 22 décembre 1997, au pouvoir mexicain
> en tant que tel, serait aussi injuste que peu pertinent. Dès la
> nouvelle connue, le président, M. Ernesto Zedillo, qualifiait ce
> massacre de « cruel, absurde et inacceptable ». Le 3 janvier 1998,
> le ministre de l'intérieur, M. Emilio Chuayffet, était amené à
> présenter sa démission de même que, le 7 janvier, le gouverneur de
> l'Etat du Chiapas, M. Julio César Ruiz Ferro. Dès le 9 janvier, 46
> personnes étaient arrêtées et inculpées, dont le maire priiste (1)
> de Chenalhó, M. Jacinto Arias Cruz (inculpé pour avoir fourni des
> véhicules et des armes aux meurtriers), ainsi que le directeur de
> la sécurité publique de l'Etat du Chiapas. Au terme d'une enquête
> somme toute promptement menée, 113 personnes seront incarcérées.
>
> Le contrôle de l'électorat dans les Etats de la fédération, surtout
> dans les régions rurales, s'est longtemps fait par l'intermédiaire
> d'oligarchies et de caciques locaux. Il n'est guère surprenant, à
> l'heure où est affichée une substantielle volonté de
> démocratisation du système politique (en témoigne la victoire de M.
> Cuauhtemoc Cardenas, du Parti de la révolution démocratique, à la
> mairie de Mexico), de voir ces acteurs se soustraire à l'emprise du
> pouvoir central. Celui-ci n'entend-il pas modifier les règles d'un
> jeu qui leur a toujours assuré domination et impunité ?
>
> On ne peut toutefois s'arrêter à ce seul constat.
>
> Le 26 décembre, M. Jorge Madrazo, procureur général de la
> République, s'est déplacé sur les lieux du crime, a exprimé sa
> solidarité avec les victimes et a donné son explication des faits :
> « Des actes de grande violence dans la commune de Chenalhó et
> d'autres communes du Chiapas ont été constatés depuis les années
> 1930 et cette situation n'a malheureusement jamais disparu. Ces
> conflits peuvent être qualifiés d'intercommunautaires, dans un
> contexte de disputes constantes entre les pouvoirs locaux
> politiques et économiques. Ils découlent également de l'existence
> d'une diversité religieuse et, plus récemment, de divisions d'ordre
> idéologiques (2). »
>
> Explication simpliste. Pour s'en référer à la seule période
> 1982-1988, sous le gouvernorat du général Castellanos, les
> organismes de défense des droits humains recensaient au Chiapas 153
> assassinats politiques (intercommunautaires ?), 692 incarcérations
> abusives (disputes ?), 503 séquestrations acompagnées de torture
> (diversité religieuse ?), 407 expulsions de familles de leurs
> communautés, 54 expulsions de villages, 12 viols et 29 agressions
> contre des mouvements de protestation. En 1988 et 1990, le code
> pénal de cet Etat était révisé, sanctionnant désormais divers
> délits qualifiés de « politiques », notamment l'occupation des
> voies publiques, d'édifices publics, les réunions « tumultueuses »
> (!), tous modes d'action constituant les voies traditionnelles
> d'expression des populations paysannes (3). Une série de violations
> des droits élémentaires qui ne sont pas étrangers au soulèvement de
> janvier 1994. On est loin d'une simple permanence de « disputes
> locales »...
>
> Le président Zedillo s'est engagé, le 23 janvier à Kanasín
> (Yucatan) à ne pas utiliser la force pour résoudre le conflit du
> Chiapas. Soit. Mais dans le même temps, le ministère de la défense
> a dépêché sur les lieux plusieurs détachements de l'armée pour
> « rétablir un climat de sécurité et éviter des affrontements entre
> groupes rivaux ». On retrouve là une stratégie élaborée dans les
> années 80, en Amérique centrale, entre autres par la démocratie
> chrétienne au Salvador : un gouvernement démocratique « pris en
> tenaille » entre deux extrémismes - extrême gauche et extrême
> droite - renvoie dos à dos, mis sur le même plan, un mouvement
> social armé (en l'occurence le Front Farabundo Marti de libération
> nationale - FMLN) et les escadrons de la mort. Puis, prétendant
> lutter contre les seconds, s'attaque au premier.
>
> Il n'était un secret pour personne qu'une prolifération de groupes
> paramilitaires - Paix et Justice, les Chinchulines, le Masque
> rouge, Les égorgeurs, l'Alliance San Bartolomé de los llanos, les
> Brigades d'opérations mixtes, le Mouvement révolutionnaire indigène
> anti-zapatiste, la communauté Tomas Müntzer, etc. - opéraient au
> Chiapas, semant la terreur, entraînant des déplacements massifs de
> populations, avec la complicité passive, voire active, de l'armée
> et des autorités. L'enquête menée a mis au jour que d'ex-militaires
> et d'ex-policiers avaient entraîné le groupe Masque rouge,
> responsable du massacre d'Actéal ; l'arrestation, le 2 avril, du
> général Julio César Santiago Diaz (jusque-là en fuite), confirmait
> l'implication de l'armée au plus haut niveau : le général
> commandait un détachement de 40 hommes qui, postés près des lieux,
> auraient pu empêcher la tragédie et ne l'ont pas fait.
>
> Ainsi est mise à jour la stratégie (et la réelle responsabilité) du
> pouvoir. Il s'agit bel et bien, par la militarisation d'une grande
> partie du territoire et l'appel plus discret aux paramilitaires
> (par nature « incontrôlés ») de mener une répression très large à
> l'encontre de l'ensemble du mouvement social. La tragédie d'Actéal
> n'est en l'occurence qu'une inopportune « bavure » - par son
> ampleur et, par conséquent, les réactions, entre autres
> internationales, qu'elle a entraînées.
>
> Les négociations menées entre l'Armée zapatiste de libération
> nationale (EZLN) et le gouvernement avaient permis la signature, en
> février 1996, des accords dits de San Andres. S'appuyant sur ces
> accords, la Commission pour la conciliation et la paix (Cocopa) -
> constituée de députés de tous les partis repésentés au Parlement -
> a présenté un projet de loi en intégrant le contenu dans la
> législation nationale, ce qui implique une réforme de la
> Constitution. « Si le gouvernement a signé les Accords de San
> Andres, c'est bien évidemment pour les respecter, déclare, le 1er
> mars 1998, M. Francisco Labastida Ochoa, ministre de l'intérieur.
> Le président de la République lui-même a dit, en de nombreuses
> occasions, que le gouvernement respecterait cet engagement. Ce
> point n'est pas sujet à discussion. Celui qui prétendrait le
> contraire proférerait une contre-vérité. La Cocopa a formulé un
> projet de réformes constitutionnelles. Ce projet n'a jamais été
> approuvé par le gouvernement. Nous n'avons jamais pris
> d'engagements en ce domaine. Rien n'a été signé. » En fait le
> pouvoir, alléguant l'atteinte à la souveraineté nationale et à
> l'unité du Mexique que constituerait le contenu et la portée de
> l'autonomie indigène, revient sur ses engagements. Un projet de loi
> gouvernemental sur la réforme constitutionnelle, présenté le 15
> mars 1998 par le président Zedillo, sera rejeté par les zapatistes
> mais aussi par le principal parti d'opposition le Parti de la
> révolution démocratique (PRD). L'EZLN refuse de renouer les
> négociations mais, les bases sociales zapatistes mettent
> unilatéralement en oeuvre les accords de San Andres à travers la
> formation de 38 municipios autonomes.
>
> Plus que l'EZLN - qui n'a pas tiré un coup de feu depuis janvier
> 1994 -, c'est ce processus d'organisation sociale pacifique mené
> par les indigènes que le pouvoir entend « casser ». Comme on le
> fit, là encore, en Amérique centrale, il s'agit, « la guérilla se
> déplaçant dans le peuple comme un poisson dans l'eau », d'enlever
> l'eau au poisson. Une grande partie de la population rurale du
> Chiapas vit désormais dans une situation d'occupation militaire.
> Les groupes paramilitaires font régner la terreur. Ne reste plus,
> pour le pouvoir en place, qu'à restaurer la discrétion propice à
> toute campagne de « reprise en main » digne de ce nom.
>
> Depuis 1996, 4 435 étrangers ont pénétré les zones en conflit,
> presque tous membres de quelque 200 organisations non
> gouvernementales (4). On retrouve là, peu ou prou et sans lien
> formel, une démarche expérimentée avec succès au début des années
> 90 au Guatemala. La mise en place d'accompagnateurs et
> d'observateurs internationaux, avec deux principales missions :
> dissuader, par leur présence, les violations des droits humains et
> diffuser des informations vers l'extérieur.
>
> Dans le cadre d'une campagne officielle contre les étrangers,
> accusés de « manipuler les indigènes », une quinzaine de
> reconduites à la frontière ont déjà eu lieu (les 13 et 16 avril).
> De même, le Français Michel Chanteau, 67 ans, prêtre de Chenalhó
> depuis 32 ans, a été expulsé, accusé d'« activisme prozapatiste »
> (trois autres religieux avaient déjà subi le même sort).
>
> Répression, isolement et silence. On retrouve là les ingrédients
> qui ont accompagné les campagnes de « pacification » élaborées, il
> n'y a pas si longtemps, en Amérique centrale.
> ______________________________________________________________
>
> (1) Membre du Parti révolutionnaire institutionnel, au pouvoir
> depuis plus de 60 ans.
> (2) Le Mexique aujourd'hui, service d'information de l'ambassade du
> Mexique, Paris, n° 68-69, décembre 1997-janvier 1998.
> (3) « Rapport Mexique », Fédération internationale des ligues des
> droits de l'homme (FIDH), n° 251, février 1998.
> (4) El País, 13 février 1998.
>
>
>
> MAURICE LEMOINE.
>
> <Maurice.Lemoine@Monde-diplomatique.fr>
>
>
> _________________________________________________________________
>
> « Le Monde diplomatique »
>
> * La 4e guerre mondiale a commencé,
> par le sous-commandant Marcos, août 1997.
> http://www.monde-diplomatique.fr/md/1997/08/MARCOS/8976.html
>
> * Vivre avec les pierres,
> par John Berger, novembre 1997.
> http://www.monde-diplomatique.fr/md/1997/11/BERGER/9457.html
>
> * La drogue, alibi de Washington en Amérique latine,
> par Mariano Aguirre, avril 1997.
> http://www.monde-diplomatique.fr/md/1997/04/AGUIRRE/8085.html
>
> * Le grand virage des zapatistes,
> par Maurice Najman, janvier 1997.
> http://www.monde-diplomatique.fr/md/1997/01/NAJMAN/7560.html
>
> * Une multitude de guérillas,
> par Françoise Escarpit, janvier 1997.
> http://www.monde-diplomatique.fr/md/1997/01/ESCARPIT/7561.html
>
> * Le défi du Chiapas,
> par Eduardo Galeano, août 1995.
> http://www.monde-diplomatique.fr/md/1995/08/GALEANO/1722.html
>
> * Les embûches du nouvel ordre latino-américain,
> par Janette Habel, juin 1995.
> http://www.monde-diplomatique.fr/md/1995/06/HABEL/1531.html
>
> * « Eliminez les zapatistes! »,
> par Serge Halimi, juin 1995.
> http://www.monde-diplomatique.fr/md/1995/06/HALIMI/1580.html
>
> * Le Mexique en guerre au Chiapas,
> par Maurice Lemoine, mars 1995.
> http://www.monde-diplomatique.fr/md/1995/03/LEMOINE/1345.html
>
> * La fin des illusions pour le modèle mexicain,
> par Francis Pisani, février 1995.
> http://www.monde-diplomatique.fr/md/1995/02/PISANI/1193.html
>
> * Le Mexique à l'heure de tous les dangers,
> par Francis Pisani, mai 1994.
> http://www.monde-diplomatique.fr/md/1994/05/PISANI/466.html
>
> * Où sont les Indiens ?
> par Guillermo Aramburo, mai 1994.
> http://www.monde-diplomatique.fr/md/1994/05/ARAMBURO/456.html
>
> * Pourquoi la révolte au Chiapas ?
> par Victorien Lavou, février 1994.
> http://www.monde-diplomatique.fr/md/1994/02/LAVOU/217.html
>
> Dans les livres
>
> * « Depuis les montagnes du Sud-Est mexicain », de Luis E. Gomez et
> « Mexique, du Chiapas à la crise fiancière », collectif, par
> Maurice Lemoine.
> http://www.monde-diplomatique.fr/md/1996/08/LEMOINE/5785.html
>
> * « Le soulèvement au Chiapas », de Aurore Monod, Mario Humberto Ruz
> et Martine Dauzier, par Laurence Villaume.
> http://www.monde-diplomatique.fr/md/1995/02/VILLAUME/1207.html
>
> * « ¡ Ya basta ! », du sous-commandant Marcos,
> par Laurence Villaume.
> http://www.monde-diplomatique.fr/md/1995/02/VILLAUME/1206.html
>
> _______________________________________________________________________
>
> Sur la Toile
>
> * EZLN. Ce site consacré à l'armée zapatiste de libération nationale
> est édité aux Etats-Unis. Il est le point focal d'un gigantesque
> réseau de solidarité. (multilingue) - http://www.ezln.org/
>
> * FZLN. Sur le site du Front zapatiste de libération nationale, un
> dossier spécial est consacré au massacre d'Actéal. (espagnol) -
> http://spin.com.mx/~floresu/FZLN/
>
> * Sipaz. Le service international pour la paix propose des dépêches
> et rapports sur la situation au Chiapas. Son dernier rapport
> trimestriel date d'avril. (anglais et espagnol) -
> http://www.nonviolence.org/sipaz/
>
> * Tendance floue. Superbe reportage photographique de Mat Jacob,
> réalisé auprès de l'EZLN en juin 1995 et en juillet 1996. Sur des
> textes d'Eduardo Galeano. (français) - http://www.chez.com/tf/
>
> * Guide des ressources zapatistes sur Internet. Un catalogue
> illustré de sites et de listes de discussion et d'informations par
> courrier électronique. (anglais) -
> http://www.eco.utexas.edu/faculty/Cleaver/zapsincyber.html
>
>
> TOUS DROITS RÉSERVÉS - LE MONDE DIPLOMATIQUE.
> _________________________________________________________________
>
> ÉGALEMENT SUR NOTRE SITE
>
> * « Comprendre la mondialisation », un cédérom de poche (110 F)
> http://www.monde-diplomatique.fr/md/cederom/
>
> * Les archives 1987-1997, sur cédérom (250 F)
> http://www.monde-diplomatique.fr/md/cederom/
>
> * L'édition en langue anglaise du Monde diplomatique
> http://www.monde-diplomatique.fr/md/en/
>
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